Les cellules souches leucémiques : De l’origine des leucémies aigües myéloïdes à la prochaine révolution thérapeutique

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Nathan Guiraud

Equipe METAML Métabolisme et résistance thérapeutique dans les leucémies aiguës myéloïdes

 

Les leucémies aigües myéloïdes représentent un groupe de cancers à mauvais pronostic touchant les cellules de la moelle osseuse, à l’origine de la majeure partie des cellules sanguines. L’espérance de vie des patients atteints de ce cancer est très faible dû aux fréquentes rechutes observées suite au traitement.
Nos travaux ont permis d’identifier le récepteur cellulaire CALCRL comme un facteur de mauvais pronostic chez les patients qui l’expriment fortement. Nous avons montré que la population cellulaire exprimant ce récepteur est impliquée dans la rechute des patients, en permettant sa résistance au traitement ainsi que le redéveloppement de la maladie. Fonctionnellement, CALCRL participe à la réponse inflammatoire et à la capacité énergétique de ces cellules. Il semble que cette population préexiste au diagnostic et soit prédominante après chimiothérapie, ce qui en fait donc une cible majeure à la fois pour diagnostiquer les patients, ainsi que pour éliminer la maladie résiduelle après traitement.

Ces dernières années, de nouvelles armes thérapeutiques contre les leucémies aigües myéloïdes (LAM) ont émergées, promettant de radicalement améliorer le pronostic vital de ces patients. Néanmoins, malgré l’arrivée de ces nouvelles molécules, les rechutes restent fréquentes. Mieux comprendre les cellules souches leucémiques (CSL) chimiorésistantes à l’origine de la rechute est donc un enjeu crucial pour combattre la maladie. Notre équipe a précédemment démontré qu’in vivo, le phenotype de ces cellules est hétérogène et qu’elles ne sont pas nécessairement enrichies à la maladie résiduelle post-chimiothérapie, mais qu’une sous-population de CSL résistantes persiste et permet le redéveloppement leucémique.

Dans des premiers travaux, nous avons identifié par une analyse in sillico le gène CALCRL comme surexprimé à la rechute, dans les CSL, et de mauvais pronostic dans les LAM. Nous avons pu montrer que l’invalidation du récepteur CALCRL affectait le développement et la survie leucémique in vitro et in vivo. Nous avons également mis en évidence son ligand, l’adrenomédulline (ADM), comme impliqué dans la progression leucémique. Plus précisément, des expériences de clonogénie et de dilutions limites (DL) in vivo ont montré que CALCRL est impliqué dans les fonctions souches leucémiques. Nous avons également montré que ce récepteur régule le cycle cellulaire via le facteur de transcription E2F1 et contribue à la survie cellulaire en régulant le facteur pro-apoptotique BCL2 ainsi que par la réparation des dommages à l’ADN. Enfin, l’invalidation de CALCRL sensibilise à la chimiothérapie conventionnelle in vitro et in vivo. Ainsi, nous avons donc identifié le récepteur CALCRL comme un nouveau marqueur des CSL chimiorésistantes.

Dans une seconde étude, nous avons voulu mieux comprendre les fonctions de CALCRL en caractérisant directement la population cellulaire exprimant fortement ce recepteur (CALCRLHigh) chez les patients LAM. Nous avons pour cela trié, au sein du même patient au diagnostic, la population primaire exprimant fortement CALCRL : CALCRL High, et la population CALCRL Low, l’exprimant pas ou peu. Premièrement, nous avons prouvé que le corécepteur RAMP2 est bien exprimé chez les patients LAM, malgré des données de la littérature suggérant le contraire. Son invalidation mime également l’effet anti-leucémique observé en invalidant CALCRL, ce qui semble indiquer que l’axe ADM/CALCRL/RAMP2 est impliqué dans la progression leucémique. De plus, nous avons montré par des expériences de DL in vivo et de cultures à long terme in vitro, que la population primaire CALCRL High est fonctionnellement enrichie en cellules souches, ainsi que phénotypiquement par des marqueurs souches tel que CD123, comparé à la population CALCRL Low. Cette population semble également avoir un profil inflammatoire lié à l’âge et engagée en différenciation via un phénotype de pseudo-sénescence. Celle-ci possède en outre un métabolisme énergétique et oxydatif très important. Nous avons en particulier montré que les facteurs de transcriptions ATF4 et ETS2 sont surexprimés dans les cellules primaires CALCRL High. Enfin, afin de cibler cette population, nous avons réalisé le criblage de plus de 80 traitements et avons analysé la sensibilité des lignées invalidées pour le récepteur CALCRL. Nous montrons que 17 de ces traitements sensibilisent ces lignées et sont des combinaisons prometteuses à un traitement bloquant CALCRL.

La population CALCRL High caractérise ainsi une population souche inflammatoire qui va préexister au diagnostic et être surexprimée à la maladie résiduelle. Cibler ces cellules semble donc être une voie très prometteuse pour combattre la rechute dans les LAM.

Pour en savoir plus

Thèse soutenue le 06 décembre 2022

Retrouver le texte intégral de la thèse sur le site de l’université Paul Sabatier

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